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Pour en finir avec l' "ostéopathie"

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Qu’est-ce que l’Evidence Based Medicine (E.B.M.) ?

(en français, médecine basée sur les faits)

 

Jean-Michel Chabot, Conseiller éditorial E.B.M. Journal, nous en donne une définition

 Il s’agit d’un concept développé dans les années 80 à l’école de médecine McMaster à Hamilton, Ontario.
L’objectif principal de l’ E.B.M. est d’assurer correctement la prise en charge d’un malade donné, de revoir ce que la littérature apporte dans un cas comparable et de s’en inspirer pour définir la conduite à tenir.

 D’une manière plus formelle, les promoteurs de l’ E.B.M. distinguent les quatre stades successifs suivants [22] :

  1. formuler clairement le problème clinique à résoudre dans le cas du malade considéré ;
  2. réaliser une revue de la littérature en excluant les articles critiquables ;
  3. apprécier la validité et l’applicabilité des conclusions pratiques des publications ;
  4. en déduire la conduite à tenir pour le malade en cause.

L’E.B.M. est une médecine fondée sur les preuves, et sur des niveaux de preuves.
Elle cherche à intégrer à la démarche clinique du praticien les recherches cliniques validées dans le domaine du diagnostic, du pronostic et du traitement de la maladie.
Pour mieux comprendre la démarche de l’ Evidence Based Medicine, voici les principales étapes à partir d’un exemple simple, une patiente consultant pour un lumbago.

Première étape

Définir clairement le problème clinique à résoudre dans le cas du malade considéré.
Ceci suppose une démarche diagnostique clinique, para-clinique éventuelle (examens complémentaires), l’élimination des diagnostics différentiels.

Exemple du lumbago :
Prenons le cas fictif d’Odette B., âgée de 55 ans, qui consulte son généraliste pour des douleurs lombaires évoluant depuis 2 semaines, après avoir porté un sac assez lourd.
Elle est connue comme hypertendue, mais n’a pas d’antécédent chirurgical notable.

Le médecin généraliste doit d’abord affirmer le diagnostic par l’interrogatoire, l’examen clinique (en connaissant la sensibilité et la spécificité des signes cliniques).

L ‘interrogatoire médical révèle qu’elle n’a pas perdu de poids récemment, n’a pas été victime de chute, n’a pas de fièvre.
L’examen clinique révèle une douleur lombaire basse, en barre, sans irradiation sciatique spontanée, avec un signe de Lasègue, sans signe de Lasègue croisé, l’absence de déficit neurologique sensitif, moteur, sphinctérien.

Le médecin devra ensuite définir le degré d’urgence, identifier l’origine de la douleur (arthrose ?) en pensant aux autres pathologies possibles (spondylarthrite ankylosante, lésions infectieuses, atteinte cancéreuse, fracture).
Il devra faire appel si besoin à des examens complémentaires (bilan biologique, radiographique, scanographique, remnographique,…).
Après avoir déterminé l’origine de la douleur, le problème pratique sera de proposer un traitement pour soulager sa patiente, et limiter le risque de récidive.

Pour tout ceci, le passage à la deuxième étape de l’ E.B.M. est fondamental.

Deuxième étape

Réaliser une revue de la littérature traitant du problème identifié à la 1ère étape, et exclure les articles critiquables (à faible niveau de preuve).

Exemple du lumbago :
Le médecin en charge d’Odette devra se procurer les publications récentes de revues spécialisées, les conférences de consensus sur le lumbago.
Un travail de l’A.N.A.E.S. (Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé) sur la prise en charge diagnostique et thérapeutique des lombosciatiques communes de moins de 3 mois d’évolution a été publié en 2000.
Ce travail a fait la synthèse des études publiées entre 1994 et 1999 en utilisant 5 bases des données mondiales et en incluant également la littérature médicale non indexée par ces bases de données (362 articles analysés, et 137 retenus pour le travail de synthèse).
Cette étude permet de savoir en fonction du sexe du patient, de son âge, de ses antécédents, de l’examen clinique, s’il faut faire appel à des examens en urgence ou non.

Ainsi dans le cas d’Odette, le médecin s’apercevra qu’elle ne relève pas des URGENCES diagnostiques et thérapeutiques.
Il n’y a pas de facteur de risque de fracture (spécificité de la notion de traumatisme = 0,85 ; spécificité de la prise de corticoïde = 0,995 ; spécificité de l’ âge supérieur à 70 ans = 0,96).
Il n’y a pas de facteur de risque de spondylarthite ankylosante.
Il n’existe qu’un seul facteur de risque de cancer (âge supérieur à 50 ans).
Il n’y a pas de facteur de risque d’infection.

Troisième étape

Apprécier la validité et l’applicabilité des conclusions pratiques des publications au patient concerné.

Exemple du lumbago :
Dans le cas présent, l’appréciation de la validité a été réalisée par un groupe d’experts, ce qui simplifie le travail du clinicien.
Dans d’autres cas, il faudra tenir compte du niveau de preuve des publications (essais comparatifs randomisés de forte puissance, méta-analyse d’essais comparatifs randomisés).
Malheureusement, cette appréciation nécessite des connaissances épidémiologiques et statistiques de base, dont ne disposent pas tous les médecins. D’autre par, ce type de travail demande un temps matériel dont beaucoup de généralistes ne disposent plus.

Quatrième étape

En déduire la conduite à tenir pour le malade concerné.

Exemple du lumbago :
En application avec les recommandation de l’ A.N.A.E.S. le médecin généraliste demandera une radiographie de la colonne lombaire de face et de profil (recherche de signes radiologiques de cancer), mais ne demandera pas de bilan sanguin, de scanner, d’ I.R.M., d’électromyogramme.

Concernant le traitement, les études ont prouvé que le repos au lit prolongé ou non n’avait pas d’effet bénéfique.
Par contre, les antalgiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les myorelaxants ont fait la preuve de leur efficacité de façon isolée (l’association des produits n’ayant pas été évaluée).
Aucune étude n’a fait la preuve de l’efficacité des corticoïdes ni de l’acupuncture.
Les manipulations vertébrales ont fait la preuve de leur efficacité à court terme, sans supériorité d’une technique par rapport à une autre.
Aucune étude n’a été réalisé sur l’efficacité de l’homéopathie dans la lombalgie aiguë.

Le médecin d’Odette pourra donc prescrire un antalgique périphérique, avec ou sans anti-inflammatoire.
Si la douleur le permet, l’arrêt de travail n’est pas médicalement obligatoire.

 

 

Peut-on appliquer les principes de l’ E.B.M. aux médecines alternatives (MA), dont l’ « ostéopathie » ?

Voici l’avis d’Andrew Vickers [14].
« Au premier abord il peut sembler contradictoire d’appliquer les méthodes de la médecine basée sur les meilleures preuves disponibles (E.B.M.) aux médecines alternatives.
Les médecines alternatives sont souvent considérées comme des techniques dont l’intérêt n’est nullement établi (selon l’un des intervenants lors d’un récent colloque Cochrane, « la médecine est soit scientifique, soit alternative »).

Mais bon nombre d’interventions pratiquées en clinique conventionnelle ont peu de fondements scientifiques.

En revanche, divers essais randomisés ont prouvé l’intérêt de certaines interventions généralement décrites comme relevant des médecines alternatives.
Ce type de médecine fait de plus en plus souvent partie des soins courants : chaque année, près de 10% de la population du Royaume-Uni consulte un médecin pratiquant une médecine alternative [14], et près de 40% des cabinets de médecine générale proposent à leurs patients de recourir à des médecines alternatives dans le cadre du National Health Service (NHS) [15]. Il serait donc important de pouvoir intégrer les principes de l’E.B.M. aux médecines alternatives afin d’améliorer la qualité des soins dispensés aux patients.

L’E.B.M. et les médecines alternatives peuvent être envisagées selon deux points de vue.

Ceux qui ne pratiquent pas les médecines alternatives les voient de l’extérieur. Tel est le cas, par exemple, du médecin généraliste qui envisage d’adresser un patient souffrant de fibromyalgie à un acupuncteur, du responsable sanitaire qui songe à établir un contrat avec un hôpital homéopathique pour les patients atteints d’eczéma, et du patient qui se propose d’acheter pour son arthrose un médicament phytothérapique en vente libre. La médecine basée sur des preuves peut et doit participer à ce type de décision.

A l’inverse, les médecins qui pratiquent une médecine alternative voient leur discipline de l’intérieur : ils constatent, évaluent et agissent en fonction d’arguments qui leur permettent d’établir plus efficacement un diagnostic, un traitement et un pronostic. Cette mise en pratique de la médecine basée sur les meilleures preuves disponibles est plus problématique.

Contrairement à une opinion largement répandue, il existe un nombre considérable de données susceptibles d’aider à la décision de faire appel aux médecines alternatives.

Dans le Cochrane Controlled Trials Register figurent actuellement 4 000 essais comparatifs randomisés (ECR) portant sur des médecines alternatives, et 4 000 articles supplémentaires attendent d’être analysés. On trouve plus de 200 revues systématiques d’interventions relevant des médecines alternatives dans la Cochrane Library, dont 40 sont des protocoles ou des revues achevées. Elles traitent de sujets tels que le millepertuis (phytothérapie) dans la dépression, l’acupuncture dans la migraine et les céphalées chroniques, l’“ostéopathie” et la chiropraxie dans les douleurs cervicales, l’hypnose dans le sevrage tabagique et l’homéopathie dans la grippe.

L’un des problèmes posés par de nombreux travaux sur les médecines alternatives est que leur pertinence clinique est souvent limitée.

Par exemple, un ECR (Essai Clinique Randomisé) bien connu a mis en évidence des différences significatives entre un remède homéopathique et un placebo dans le rhume des foins [15]. Or les homéopathes modulent leurs traitements du rhume des foins en tenant compte, du moins en partie, de caractéristiques non médicales des patients, telles que leur personnalité ou leurs goûts en matière de nourriture. Il est donc difficile – mais pas impossible – de tester l’homéopathie selon les méthodes classiques des ECR. Les chercheurs ont décidé de n’utiliser qu’un seul remède pour tous les patients en tant que « cas test » artificiel, ce qui permettait de simplifier le plan expérimental de l’essai. La question posée n’était pas « l’homéopathie est-elle efficace dans le rhume des foins ? » mais « l’homéopathie est-elle un placebo ? ». Les implications cliniques de cette étude pour le traitement du rhume des foins ne sont donc pas évidentes.

Un problème supplémentaire tient au fait que très peu de maladies et de troubles rencontrés en pratique clinique ont fait l’objet de recherches dans le cadre des médecines alternatives. L’acupuncture a fait l’objet de plus de 30 essais dans les nausées [16], non parce que les nausées sont un motif fréquent de consultation en acupuncture, mais parce qu’il s’agit d’un symptôme facile à étudier : un seul point d’acupuncture est utilisé, il est possible de recruter un grand nombre de patients chirurgicaux, et les résultats peuvent être évalués en quelques heures. En revanche, la fatigue chronique est une pathologie plus fréquemment rencontrée en acupuncture[17], mais elle n’a pas été évaluée, sans doute parce que son étude soulève en pratique beaucoup plus de difficultés.

La décision de recours aux médecines alternatives sur la base de preuves pose un autre problème dans la mesure où elles sont pratiquées de façon très variable. Quel que soit le type de médecines alternatives, les méthodes de diagnostic et de traitement diffèrent d’un praticien à un autre. En ce qui concerne l’acupuncture par exemple, certains praticiens s’en tiennent aux concepts chinois traditionnels de yin et de yang, alors que d’autres se basent uniquement sur la neurophysiologie occidentale. Certains acupuncteurs traditionnels traitent leurs patients selon la théorie des « cinq éléments » et d’autres selon les « huit principes ». Les aiguilles peuvent être insérées en profondeur ou seulement en surface, pour une durée qui peut varier de 30 secondes à 30 minutes, pendant lesquelles elles peuvent être stimulées par un mouvement de rotation manuel ou par un courant électrique. De ce fait, un généraliste qui envisage d’adresser un patient présentant une fibromyalgie à un acupuncteur peut être impressionné par un ECR trouvé dans MEDLINE [18], mais risque d’ignorer si le type d’acupuncture pratiqué par le spécialiste local est analogue à celui qui fut utilisé dans l’essai.

La décision de recours aux médecines alternatives sur la base de preuves peut donc exiger une évaluation des travaux de recherches dans lesquels la maladie et l’intervention sont, de façon apparente ou non, différentes du problème en cause. Ce manque de clarté peut limiter – sans nécessairement éliminer – les inférences possibles à partir des recherches cliniques. La mise en application de l’E.B.M. dans les analyses décisionnelles [19] peut fournir un cadre pratique pour l’évaluation des preuves relatives aux MA. Les traitements alternatifs ont depuis toujours été victimes de l’opinion selon laquelle aucune décision ne mériterait d’être prise jusqu’à ce qu’elle franchisse un certain seuil (qui n’est jamais précisé explicitement) à partir duquel on considère qu’elle est basée sur des preuves « solides ». L’analyse décisionnelle, en revanche, permet d’estimer explicitement le caractère suffisant ou insuffisant du niveau de preuve.

Grâce à un arbre décisionnel simple comportant une décision (utiliser ou non un traitement) et deux branches (guérison ou maladie), il est possible de recommander un traitement si sa nuisance (ou sa nocivité) est plus faible que la nuisance de la maladie multipliée par la probabilité de succès du traitement. Dans l’hypothèse où une maladie est 20 fois plus préjudiciable que le cumul des risques, coûts et désagrément liés à un traitement éventuel, on considère que ce traitement est justifié dès lors que les chances qu’il soit efficace sont supérieures à 5%. De nombreux traitements effectués dans le cadre des médecines alternatives sont relativement dénués de risque, peu onéreux et non invasifs : leur niveau de nuisance est donc faible. Par exemple, bien que l’homéopathie ne puisse être considérée comme une option de routine dans l’eczéma, une utilisation plus large des analyses décisionnelles pourrait fournir des arguments en faveur de ce type de traitement chez des patients atteints de formes sévères ou réfractaires de la maladie.

Utilisation de l’E.B.M. par les praticiens des médecines alternatives :

Des obstacles considérables limitent l’utilisation de l’ E.B.M. par les praticiens de médecines alternatives. Le problème essentiel est celui de la pénurie de recherches sur les questions que les praticiens risquent de se poser le plus souvent au cours de leur travail. Bien qu’il soit prouvé que les chiropracteurs puissent traiter efficacement le mal de dos [20], il n’existe que de rares données indiquant quels types de manipulations vertébrales sont les plus utiles. De même, divers ECR ont montré l’intérêt de l’acupuncture dans la migraine [21], mais il n’existe aucune information sur les stratégies de sélection des points, la durée de pose des aiguilles, ou le nombre optimal de séances.

La conception et la réalisation de telles recherches nécessiteraient que la communauté des praticiens des médecines alternatives fasse preuve d’un engagement plus profond qu’il ne l’est actuellement vis-à-vis de la science, de la pensée critique et de la médecine basée sur les meilleures preuves disponibles.« 

 

Il est effectivement assez curieux de voir le nombre de références des ostéopathes à Hippocrate, personnage célèbre de la médecine s’il en est, mais dont les connaissances aussi grandes fussent-elles datent de plus de 2300 ans, et le peu d’intérêt pour la médecine du XXième siècle qui passe obligatoirement par l’ E.B.M.

 

Peut-on en conclure une certaine crainte des preuves scientifiques médicales modernes…?